Elsevier

Pathologie Biologie

Volume 56, Issue 6, September 2008, Pages 380-387
Pathologie Biologie

Syndromes chromosomiques émergentsNew chromosomal syndromes

https://doi.org/10.1016/j.patbio.2008.03.006Get rights and content

Résumé

Le retard mental, isolé ou syndromique, touche 2 à 3 % de la population générale. Les anomalies chromosomiques constituent l’une des causes les plus fréquentes. Le caryotype met en évidence une aberration chromosomique chez environ 10 % des patients, mais souffre d’une résolution limitée (5 Mb). Récemment, le développement de nouveaux outils de cytogénétique moléculaire, en particulier la CGH array, a permis de détecter des anomalies de plus en plus petites et ainsi d’augmenter le taux de détection de 15 à 20 %. Parmi ces anomalies, certaines s’avèrent être des microdélétions ou des microduplications récurrentes et de nouveaux syndromes sont en cours d’individualisation. Après un bref rappel sur le mécanisme de recombinaison homologue non allélique qui sous-tend la plupart des réarrangements génomiques récurrents, nous présenterons le phénotype de huit nouveaux syndromes, quatre microdélétions (del 17q21.31, del 3q29, del 15q24, del 2q32.3q33) et quatre microduplications (dup 22q11.2, dup 7q11.23, dup 17p11.2, duplication de MECP2). Une meilleure connaissance de ces nouveaux phénotypes permettra d’améliorer la prise en charge des patients, de proposer un diagnostic cytogénétique ciblé et d’identifier des gènes impliqués dans les fonctions neurocognitives.

Abstract

Mental retardation occurs in 2–3% of the general population either in isolation or in combination with facial dysmorphism and/or malformations. Chromosomal abnormalities are a most common etiology. Karyotype displays chromosome aberrations in about 10% of patients but it has a limited resolution (5 Mb). Recently, the development of new molecular cytogenetic tools, especially array CGH, allowed to detect smaller abnormalities and increased the diagnosis capability of 15–20%. Among these newly detected rearrangements, some of them are recurrent and define new recognized syndromes. We will first briefly explain the non-allelic homologous recombination (NAHR) mechanism that underlines the origin of recurrent microdeletions and microduplications. Then we will describe eight new syndromes, four microdeletions (del 17q21.31, del 3q29, del 15q24, del 2q32.3q33) and four microduplications (dup 22q11.2, dup 7q11.23, dup 17p11.2, duplication of MECP2). A better knowledge of these new recurrent chromosomal syndromes will allow to improve care for patients, to develop targeted chromosomal diagnosis and to identify genes involved in neurocognitive functions.

Introduction

La prévalence des retards mentaux est estimée à 2–3 % des enfants de moins de cinq ans [1], [2], soit environ 20 000 nouveaux cas par an en France.

Ces retards mentaux peuvent être isolés ou associés à des malformations et/ou une dysmorphie faciale.

Les anomalies chromosomiques de nombre ou de structure constituent la première étiologie de ces retards mentaux. Néanmoins, même si d’autres étiologies (monogéniques, multifactorielles, environnementales, infectieuses, toxiques) sont mises en évidence, 50 % des retards mentaux restent inexpliqués.

Le caryotype en bandes a été le premier examen permettant une analyse globale du génome. Il permet de détecter la cause la plus fréquente de retard mental, la trisomie 21. Dès 1977, le phénotype de nombreuses anomalies chromosomiques de nombre et de structure a été rapporté [3]. En 2001, Schinzel, dans la deuxième édition de son livre « Catalogue of unbalanced chromosome aberrations in man » rapportait plus de 2000 anomalies chromosomiques différentes [4]. Cependant, l’une des limites du caryotype tient à son niveau de résolution qui est d’environ 5 Mégabases (Mb). De ce fait, de nombreux désordres génomiques inframicroscopiques conduisant à des retards mentaux, ne peuvent être détectés avec cette méthode. Plusieurs techniques de quantification du nombre de copies ont été développées, comme la multiplex ligation probe amplification (MLPA), la polymerase chain reaction quantitative (qPCR) ou encore la quantitative multiplex PCR of short fluorescent fragments (QM-PSF) permettant de mettre en évidence des microdélétions ou des microduplications. Bien que plusieurs locus puissent être analysés en un même temps, ces techniques restent ciblées. L’évolution de l’hybridation génomique comparative (CGH) sur chromosome vers la technique de CGH array permet une analyse pangénomique avec un très haut niveau de résolution de l’ordre de 5 kilobases (kb) (d’un gène) pour les puces les plus résolutives [5].

L’exploration récente des patients présentant un retard mental associé à un syndrome malformatif à l’aide de ces nouvelles techniques, a mis en évidence des déséquilibres chromosomiques non détectés par l’analyse du caryotype chez environ 10 à 15 % des patients et a permis d’identifier de nouveaux syndromes chromosomiques [6].

Plusieurs anomalies chromosomiques de petite taille sont récurrentes. Les données issues du séquençage du génome ont permis d’expliquer cette récurrence. En effet, plusieurs syndromes malformatifs ont été identifiés comme résultant d’un désordre génomique dans lequel survient un remaniement chromosomique submicroscopique récurrent, en raison de l’existence d’une recombinaison homologue, mais non allélique, entre des séquences répétées et spécifiques (appelées low copy repeats [LCR]) d’une région donnée du génome (Fig. 1) [7]. La forte homologie de séquence des répétitions segmentaires en fait un substrat moléculaire de recombinaison homologue non-allélique (NAHR). Cette recombinaison anormale entre des segments répétés spécifiques d’une région ou d’un chromosome entraîne la perte ou la duplication du segment génomique compris entre les deux duplicons et explique la récurrence de certaines pathologies. Le phénotype clinique de ces désordres génomiques résulte vraisemblablement d’un dosage anormal des gènes localisés dans le fragment génomique remanié [8]. En fonction de la taille du fragment génomique impliqué, ces désordres génomiques peuvent se manifester sous la forme de syndrome de gènes contigus [9] ou de maladie mendélienne [7]. La plupart des ces désordres génomiques résulte du remaniement d’un fragment chromosomique dont la taille est inférieure à 5 Mb [7]. Ils échappent ainsi au pouvoir de détection des méthodes classiques de l’analyse cytogénétique.

Nous détaillerons ici les nouvelles anomalies chromosomiques, en particulier récurrentes, pour lesquelles un tableau clinique semble être reconnaissable.

Section snippets

Microdélétion 17q21.31 (OMIM 610443)

Après quelques descriptions isolées [10], [11], la microdélétion 17q21.31 a été décrite en tant que nouvelle entité en 2006 par trois équipes différentes [12], [13], [14]. Dix patients, âgés de trois à 26 ans, ont été décrits jusqu’à présent. La fréquence de ce syndrome varierait entre 0,3 et 1 % des retards mentaux, selon les équipes [13], [14], mais reste à évaluer.

Les signes cliniques constants sont un retard de développement psychomoteur modéré à sévère (10/10) et une hypotonie (9/10). Très

Microduplications

Malgré la mise en place en routine des nouvelles techniques de quantification du nombre de copies, les patients présentant une microduplication sont rarement rapportés. Nous détaillerons ici trois microduplications, miroir moléculaire de microdélétions fréquentes, pour lesquelles un phénotype clinique est maintenant décrit, ainsi que la duplication du gène MECP2.

Discussion

Le développement de nouvelles techniques permettant le dépistage des déséquilibres génomiques de petite taille, en particulier la technique de CGH array, a mis en évidence de nouvelles anomalies chromosomiques chez environ 10 à 20 % des patients présentant un retard mental isolé ou syndromique. Il est difficile aujourd’hui d’évaluer la fréquence réelle de ces nouveaux syndromes (biais de publications) et leur intérêt pratique dans l’avenir. De plus, le taux d’anomalies mises en évidence dépend

Conclusion

La technique de CGH array a clairement montré son efficacité et est devenue une méthode de choix pour le dépistage des microremaniements récurrents ou non dans le cadre de l’exploration des retards mentaux. Elle est en cours de transfert dans les laboratoires de diagnostic. L’utilisation à grande échelle de cette technologie devrait permettre de décrire de nouveaux syndromes chromosomiques et pourrait même, à terme, être proposée en période anténatale. Une meilleure connaissance et

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      In contrast to these conventional techniques, CMA has a higher resolution, which reaches up to 50 Kb, a ten times higher resolution than conventional karyotyping.13,15 It seeks genetic imbalances (gains or losses of chromosomal segments) across the genome and has allowed the identification of new syndromes that are not readily detected by the methods described above.16–18 The discovery of normal variation as copy number variations (CNVs) poses a challenge for the clinical interpretation.15

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